Mai-68 Les tracts de la révolte 

INTRODUCTION

A travers les tracts de toutes sortes distribués presque quotidiennement dans les facultés, les résidences et les restaurants universitaires, le présent ouvrage fait replonger dans l'ambiance d'une époque qui a révolutionné la vie des Français, celle des "évènements" de Mai-68, vécue ici par un étudiant de l'Université de Franche-Comté. Les organes de presse étant pour une grande part sous le contrôle de l'Etat gaulliste , ces tracts constituaient la principale source d'information pour le monde universitaire. La disposition chronologique des documents permet de suivre, jour après jour, depuis la rentrée de l'automne 1967, le début de la contestation (problème de la non-mixité dans les cités universitaires, critique de la guerre américaine au Vietnam, revendications de la classe ouvrière), la montée de la tension entre administration rigide et étudiants contestataires, l'atteinte du paroxysme de la crise de Mai-Juin-68 (violentes échauffourées et barricades, grève générale massive, ébranlement du pouvoir politique), la reprise en main gouvernementale (avec promesse de réformes universitaires et sociales), puis le retour de l'agitation estudiantine et ouvrière tout au long de l'année suivante 1968-69, marquée par le départ du général de Gaulle, désavoué par les Français lors du référendum d'avril.

PRESENTATION

Ce livre réunit une collection exceptionnelle de cent quatorze tracts parus tout au long des deux années cruciales 1967-68 et 1968-69 à l'université de Franche-Comté, plus particulièrement au campus de la Bouloie, à Besançon.

Aux entrées du restaurant universitaire, des résidences des étudiants ou de la faculté des sciences toute proche, des militants de diverses tendances distribuent ces tracts, de la simple feuille format 21x27 - conçue par un groupuscule parfois anonyme - jusqu'au fascicule de plusieurs feuillets dactylographiés et agrafés - constituant un bulletin syndical ou politique officiel.

Ces publications ont un contenu diversifié, à but social, politique, syndical, corporatiste ou même religieux. Elles constituent le vecteur essentiel des mots d'ordre destinés aux étudiants, associées aux affiches collées un peu partout sur les murs des bâtiments. Ces nombreux feuillets permettent à toutes les opinions de s'exprimer et de toucher facilement un vaste public. Ils sont souvent la principale source d'information des étudiants logeant en cité universitaire et éloignés du centre ville. On y lit la révolte adolescente contre les pesanteurs et les interdits de la société de l'époque, les visées des groupes, syndicats et partis politiques organisés, les incessantes et virulentes querelles idéologiques au sein de la gauche et de l'extrême gauche, et même l'expression apolitique des partisans du statu quo. On peut aisément faire la différence entre les textes des militants chevronnés, à la phraséologie extrêmement bien rodée, et ceux des jeunes étudiants néophytes découvrant avec surprise une liberté de pensée et de revendication qu'ils n'imaginaient même pas quelques semaines auparavant. Dans cette profusion d'écrits on relève l'influence directe des évènements parisiens et nationaux, la capitale étant naturellement le point central de l'agitation qui rayonne en province durant les deux années qui sont l'objet de ce recueil, mais sans oublier l'actualité locale qui mobilise tout autant.

Il a été choisi de ne pas simplement reproduire les tracts par copie intégrale mais plutôt de réécrire les textes - en respectant leur teneur - afin de les rendre parfaitement lisibles. Vu le caractère rudimentaire des moyens de fabrication de l'époque (machines à écrire manuelles récalcitrantes, stencils très fragiles, encre salissante, machines à ronéotyper lentes et peu fiables) et la dégradation due au temps, les feuillets originaux sont souvent peu agréables à lire. Remis en forme, débarrassés de leurs défauts typographiques, ils constituent un ensemble d'informations et de témoignages sur la période 1967-68-69 vécue par une université provinciale telle que celle de Franche-Comté (Besançon).

Les tracts sont catalogués, ci-après, dans l'ordre chronologique (les documents ne portant aucune date sont disposés selon la datation la plus probable). Ils peuvent être signés et identifiés (publications d'associations ou partis officiels) ou au contraire être anonymes (cas de tracts polémiques, accusateurs ou diffamatoires).

Ces textes constituent d'intéressantes archives qui font revivre, de l'intérieur, ces semaines et ces mois - car toute l'année universitaire suivant Mai-68 fut également remarquable - qui bouleversèrent les pratiques dans l'éducation et, bien au-delà, dans la vie sociale, politique et philosophique de notre pays.

Plusieurs décennies après, l'influence de "Mai-68", qu'elle soit jugée bénéfique ou non, imprègne toujours notre société. La lecture de ces documents aide à comprendre la genèse des évènements tout en faisant ressentir l'ambiance si particulière de ce qui fut un véritable tournant historique.

FICHE DE LECTURE

Riche et diverse, c'est une collection remarquable que signe Bernard Grand en puisant dans le vécu de l'université de Besançon. Des problèmes internes aux cités universitaires à la guerre du Vietnam, en passant par les revendications de la classe ouvrière, 114 tracts, du simple feuillet au fascicule, des militants chevronnés aux jeunes néophytes, enfin ressuscités pour illustrer une page d'Histoire essentielle aux portées multiples, sociales, politiques, syndicales, corporatistes ou même religieuses. Ou comment célébrer un quarantième anniversaire en pleine immersion. On entendrait presque battre le pavé...

ACHAT

Ce livre (format 22,5x14 cm - 327 pages) est disponible, sur commande:

chez l'éditeur
Editions Publibook
14, rue des Volontaires
75015 PARIS
Tél: 01 53 69 65 59

dans les magasins FNAC et sur les sites internet:

Editeur -----> Publibook
FNAC -------> Fnac
Amazon ----> Amazon

_____________________________________________________________________________
Ce livre peut également être téléchargé, à moitié prix, sur le site de l'éditeur

Exemple de tract (parmi 114) tiré du livre "Mai-68 Les tracts de la révolte":


TRACT n°13
Droit de Cité

Devant le Conseil d'administration du Centre national des oeuvres universitaires et scolaires (CNO) réuni jeudi dernier sous sa présidence, M. Peyrefitte a notamment déclaré: "Nous disons oui à la nécessité de mettre à jour un règlement intérieur aujourd'hui périmé; c'est ce qui a fondé le dialogue dans lequel je me suis engagé... Il s'agit de remplacer un règlement rigoureux, mais diversement appliqué par un règlement plus libéral mais qui soit réellement appliqué...
- D'abord des pavillons de garçons majeurs, qui seraient autorisés désormais à recevoir des visites en chambres;
- Ensuite des pavillons de garçons mineurs, qui ne seraient pas autorisés à recevoir des visites en chambres;
- Enfin des pavillons d'étudiantes, où logeraient à la fois les majeures et les mineures, comme aujourd'hui.

Les étudiantes majeures auraient le droit de rendre visite aux étudiants majeurs. Par contre les garçons auraient interdiction de se rendre chez les jeunes filles...
Cet élargissement du droit de visite implique un contrôle et un contrôle strict. Des dispositions seront prises pour que l'application de cette mesure ne puisse pas faire l'objet de contestations."

Monsieur le ministre de l'Education nationale, tu es un MENTEUR:
Ce n'est pas nous qui l'affirmons, mais le très respectable quotidien Le Monde, peu suspect de sympathie envers 'une poignée d'agitateurs professionnels' à laquelle se sont attaqués aussi bien M. le Ministre que le COPAR (Comité parisien des oeuvres) et qu'ils prétendent désarmer par leur réformette.
"Voici plusieurs années déjà que les étudiants résidant dans les cités universitaires protestent et manifestent pour obtenir la révision de règlements périmés proches de ceux des internats des lycées. N'ayant pas été entendus, ils ont multiplié depuis quelques mois les actions directes: garçons et filles occupant la nuit des pavillons féminins.
... Inspirée par la méfiance et une certaine peur de la jeunesse, (la conception ministérielle) ne peut que provoquer de nouvelles manifestations et violences pour arracher ce qu'on ne veut pas donner."

Le Monde 24 février 1968

La lutte est possible et nécessaire:
Car ce que nous réclamons, ce n'est pas une hypothétique "révolution sexuelle", mais le simple respect par le pouvoir gaulliste de sa propre constitution: égalité des sexes, liberté d'opinion et d'expression (syndicale, politique et religieuse).
Si celui qui se prétend ministre de l'Education nationale, mais qui devrait plut't se targuer du titre de premier "flic et curé" de France, se penche aujourd'hui avec compassion sur les résidents, c'est parce que nos camarades d'Anthony en 65, d'Orsay et de la Doua (Lyon) en 67, de Nanterre, de Clermont et de Nice en 68 ont su imposer l'état de fait. Les propositions "libérales" de M. Peyrefitte n'ont fait que mettre en évidence le caractère anachronique et totalement illégal de l'actuel règlement intérieur. En instaurant la ségrégation sexuelle parmi les étudiants, et la ségrégation sociale des étudiants par rapport au reste de la société, le règlement intérieur conduit à une forme d' "apartheid" revu et corrigé pour petits étudiants.
Si la libre circulation est aujourd'hui pratiquement réalisée à la Bouloie, mais ni à Veil-Picard, ni au Palais, c'est parce que les résidents ont occupé les "F" et les résidentes les "G" à partir du 13 février. Mais l'administration est là qui veille, prête à rogner la moindre de nos conquêtes et à appliquer "strictement" son règlement intérieur, modifié ou non. Déjà les concierges qu'elle contraint au rôle de "flic" et de "bonne soeur" doivent se faire plus insistants et plus visqueux.

Face au CROUS et au pouvoir, notre seule arme est notre mobilisation. Il ne s'agit évidemment pas de transformer les cités en "bordels" ou de contraindre les étudiantes qui y seraient opposées à recevoir des garçons chez elles, comme certains voudraient le faire croire. Que ceux ou celles qui le voudront restent dans leur chambre; personne n'y viendra.

Ce que nous revendiquons, c'est la possibilité pour chacun, garçon ou fille, de choisir lui-même - ou elle-même - ce qui lui plaît de penser ou de faire, de décider lui-même qui il lui plaît de recevoir dans sa chambre.

Ce que nous refusons c'est un ordre qui condamne les étudiants et les étudiantes à se rendre au bar de l'U ou à Granvelle pour travailler ensemble ou se bécoter, à se réfugier dans les fossés qui entourent le restau pour pouvoir baiser, lorsque l'un d'entre eux n'est pas majeur.

POUR L'ABROGATION PURE ET SIMPLE DU REGLEMENT INTERIEUR

POUR LA GESTION PAR LES RESIDENTS EUX-MEMES DE LEURS CITES ET DE LEUR ANIMATION CULTURELLE

POUR L'OUVERTURE DES CITES A TOUS LES ETUDIANTS

OCCUPONS MASSIVEMENT
AUJOURD'HUI
LUNDI
A PARTIR DE 21H
LES "F" ET LES "G"

Faisant suite aux réunions de pavillons, participons au M E E T I N G à 21 h.
Sous-sol du G5 pour définir nos revendications et préciser les modalités de notre action.

ASSOCIATION GENERALE DES ETUDIANTS DE BESANCON
ASSOCIATION DES ETUDIANTS DE LA RESIDENCE UNIVERSITAIRE DE LA BOULOIE